Dissertation sur la citation « Quand dire c’est faire » de Langshaw Austin

 

Introduction:
L’assertion de John Langshaw Austin, célèbre philosophe anglais, selon laquelle « Quand dire, c’est faire », soulève une question fondamentale sur le pouvoir du langage. Cette phrase énigmatique suggère que l’acte de parler peut constituer une forme d’action en soi. Dans cette discussion, nous examinerons les arguments en faveur et en opposition à cette thèse, avant de proposer une synthèse qui tente de concilier ces deux perspectives divergentes.

I. Thèse: Le langage est une forme d’action

Argument 1: Les promesses et les engagements
Le langage permet de formuler des promesses et des engagements, qui ont un impact direct sur les relations humaines et les interactions sociales. Lorsqu’une personne promet de faire quelque chose, elle s’engage à agir de manière spécifique, et cette parole a le pouvoir d’influencer les attentes et les comportements des autres. Ainsi, dire quelque chose revient à s’engager dans une certaine mesure. Selon Austin, les énoncés linguistiques peuvent avoir des effets performatifs, c’est-à-dire qu’ils peuvent accomplir des actions ou des actes en eux-mêmes. Par exemple, lorsque quelqu’un dit « Je te promets de le faire », cette déclaration crée une obligation morale pour la personne de tenir sa promesse. Ainsi, dire quelque chose peut effectivement entraîner des conséquences tangibles.

Argument 2: Les actes de langage performatifs
Austin a développé le concept d’actes de langage performatifs pour soutenir sa thèse. Selon lui, certains énoncés accomplissent l’action qu’ils décrivent. Par exemple, dire « Je vous déclare mari et femme » lors d’une cérémonie de mariage a un effet juridique réel. Le langage peut donc être considéré comme une forme d’action qui provoque des conséquences tangibles. Il identifie des actes de langage tels que les actes assertifs (faire une déclaration), les actes directifs (donner un ordre) et les actes expressifs (exprimer des émotions). Selon Searle, ces actes de langage ne sont pas simplement des descriptions de la réalité, mais des actions qui ont un impact sur le monde.

II. Antithèse: Le langage est distinct de l’action

Argument 1: La nécessité de l’action physique
Bien que le langage puisse avoir des répercussions sur le monde, il ne peut pas remplacer directement l’action physique. Par exemple, dire « Je vais te donner de l’argent » n’équivaut pas à donner réellement de l’argent. L’acte de donner implique une action concrète distincte de la simple énonciation. Jacques Derrida remet également en question la notion selon laquelle « dire, c’est faire » en soulignant l’existence de la différence, c’est-à-dire la séparation entre le signifiant (le mot) et le signifié (la signification). Selon Derrida, le langage est fondamentalement instable et ouvert à l’interprétation, ce qui rend difficile la réalisation d’une action précise par le simple fait de dire quelque chose.

Argument 2: Les limites du langage
Le langage est un outil de communication puissant, mais il a ses limites. Il peut exprimer des intentions et des désirs, mais il ne peut pas nécessairement les réaliser par lui-même. Par exemple, dire « Je veux devenir un grand artiste » ne garantit pas automatiquement la réalisation de cet objectif. Des actions concrètes et un effort supplémentaire sont nécessaires pour le concrétiser. Michel Foucault propose une critique de l’idée que « dire, c’est faire » en soulignant que le langage peut également être utilisé comme un outil de domination et de contrôle. Selon lui, le discours peut être utilisé pour établir des normes, des hiérarchies et des systèmes de pouvoir.

 

III. Synthèse: Le langage est une forme d’action conditionnelle

Argument 1: Le pouvoir de l’influence
Bien que le langage ne puisse pas toujours se substituer à l’action physique, il a le pouvoir d’influencer les pensées, les émotions et les comportements des autres. Les mots peuvent susciter des réactions émotionnelles et motiver les individus à agir. Ainsi, le langage peut être considéré comme une forme d’action conditionnelle, qui crée un contexte propice à l’action concrète. Judith Butler soutient que le langage est à la fois performatif et normatif. Les énoncés linguistiques ont le pouvoir d’accomplir des actes, mais ces actes sont également façonnés par les normes et les conventions sociales. Ainsi, dire quelque chose peut être à la fois une action et une répétition de normes existantes.

Argument 2: Le langage comme catalyseur de l’action
Le langage joue souvent le rôle de catalyseur pour l’action. Les discussions, les instructions, les négociations et les délibérations verbales peuvent préparer le terrain et faciliter la mise en œuvre d’actions ultérieures. Le langage peut donc être considéré comme un moyen de préparer, de coordonner et de guider les actions, les rendant ainsi plus efficaces et significatives.

Conclusion:
En conclusion, bien que le langage ne puisse pas se substituer directement à l’action physique, il possède un pouvoir d’influence considérable et peut agir comme un catalyseur pour les actions concrètes. L’assertion d’Austin, « Quand dire, c’est faire », suggère que le langage peut être considéré comme une forme d’action conditionnelle, qui crée des conditions favorables à l’action effective. Reconnaître le potentiel du langage en tant que force motrice de l’action nous aide à mieux comprendre son rôle dans la communication humaine et son impact sur notre monde.

 

 

Source :
1. [Quand dire, c’est vraiment faire, de Barbara Cassin](https://www.en-attendant-nadeau.fr/2018/12/19/homere-trump-verites-mensonges-cassin/)
2. [Quand dire, c’est faire… écrire – Persée](https://www.persee.fr/doc/reper_1157-1330_1991_num_3_1_2017)
3. [Quand dire, c’est faire 2020125692, 2020027380 – DOKUMEN.PUB](https://dokumen.pub/quand-dire-cest-faire-2020125692-2020027380.html)

 

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